Pierrick Sorin
C’est une voie légère, rétinienne et pleine d’humour qu’emprunte Pierrick Sorin pour répondre à cette première invitation lancée par HOST. « Je ne suis pas l’ennemi de la joliesse, explique l’artiste. L’intégration de l’art dans la vie quotidienne m’intéresse, mais plutôt qu’une bête peinture accrochée au mur, j’aime quand l’art rencontre la fonctionnalité des objets de tous les jours. Plus cette intégration a l'air magique, plus cela m’émoustille l’esprit. Ces dispositifs, qui s’inscrivent à la croisée entre l’artistique, le décoratif et le design, peuvent vraiment rendre la vie plus intéressante que l’art. »
Depuis le début des années 90, Pierrick Sorin réalise des courts-métrages et des installations aux allures de laboratoires illusionnistes. Son propos, souvent qualifié de burlesque, explore l'existence humaine, des soubresauts chaotiques d’un quotidien en capilotade jusqu’aux jouissances profondes trouvées dans la création artistique. Excellent dans l'auto-filmage, il est souvent l'unique acteur des histoires qu'il invente, entre Mélies et Tati pour les effets magiques et la gestuelle heurtée, entre Beckett et Houellebecq pour une forme de désespérance incurable. Ses «théâtres optiques», mélanges d'ingénieux bricolages vintage et de technologies numériques, lui permettent d'apparaître comme par magie dans l'espace, sous forme de petit hologramme ( le « Sorin » cloné à l’envi) intégré dans un contexte d’objets réels.
Dans le droit fil de son exposition monographique à la Fondation Cartier en 2001, où Pierrick Sorin avait fantasmé un appartement de collectionneur dans lequel chacune des œuvres de l’artiste intervenait sur des éléments mobiliers, il propose ici différents dispositifs artistiques qui habillent et habitent certains meubles design du Showroom Civel. Derrière la porte vitrée d’un four de petits personnages holographiques improvisent une danse sur des saucisses chaudes ; ailleurs un mini-théâtre optique greffé sur une lampe se réveille au simple son de votre voix ; plus loin un bain d’eau de vaisselle mute en parure chromatique abstraite dans une baignoire sublime. Autant de surprises où se mêlent le côté très artisanal de la fabrication en coulisse et la technologie la plus contemporaine. L’ensemble génère une poétique malicieuse, où le dérisoire, le gag et la magie revisite la fonctionnalité du design et son esthétique industrielle.
Eva Prouteau