Régis Perray
"Etre dans un lieu, le capter, l'entendre et s'entendre avec lui est une nécessité pour travailler." énonce-t-il. Des pyramides de Gizeh et Saqqara aux rivières coréennes, des rues de Kinshasa à un atelier de Roubaix, de la cathédrale de Chartres aux cimetières de Pologne, Régis Perray rencontre des lieux comme d'autres des hommes. Dans ces espaces d'élection, il marche, balaie, déblaie, lave, astique, patine : des interventions douces, qui redonnent de l'éclat, qui ramènent à la vie. Il écoute l'architecture et les strates narratives qu'elle dévoile, et se passionne pour la grande dynamique du travail des êtres et des machines. Le plus souvent, il partage ensuite ces actions et recherches sous la forme de constats photographiques, de vidéos ou d'installations.
Grâce à l'invitation lancée par HOST, Régis Perray expérimente in situ une confrontation inhabituelle. "Les lieux que je rencontre ont souvent beaucoup de vécus, de traces, de dépôts du passé." Nous sommes loin de l'identité contemporaine du showroom Civel. L'artiste décide pour l'occasion de prendre le contre-pied et d'introduire l'Histoire, le désordre et l'impureté dans cet espace caractérisé par ses surfaces neuves, propres et lisses. De-ci de-là, il dispose de vieux objets maculés de terre, moqueuse archéologie du quotidien qui vient perturber le monde du design. Des injonctions hygiénistes parcourent les grands vitrages (Rincer la baignoire, Laver la vaisselle, Refaire le lit, Laver les vitres, Ranger la vaisselle...) tandis que des lignes graphiques très colorées viennent bousculer la blancheur virginale des faux livres posés sur le mobilier.
Ailleurs, l'artiste s'amuse à faire surgir la Mort d'un téléviseur élégant : il diffuse Serial Floors, un montage vidéo qui compile 549 cadavres et presque autant de sols aperçus dans 70 séries policières pendant deux années. Le sang se répand et vient déranger un contexte où règne la dimension anorganique.
Enfin, Régis Perray conçoit spécialement pour l'occasion une édition limitée de torchons, étendards domestiques par excellence : brodées du nom des vins qu'affectionne l'artiste gourmet, ces pièces textiles mêlent leur esthétique traditionnelle à la modernité qui les entoure.
L'ensemble de ces interventions cultive avec sensualité le décalage et la disjonction, le contraste et les effets de clash formel. L'art de Régis Perray surgit dans la maison idéale pensée par Civel, telle une réflexion enjouée sur la place du design dans nos vies.
Eva Prouteau